01/04/2022 Francia, Normandia, Manica, Cherbourg, La Hague
“If you ever come across anything suspicious like this item, please do not pick it up, contact your local law enforcement agency for assistance”
Par Olivier CLERC
En 2021, les plongeurs démineurs de Cherbourg (Manche) ont neutralisé 421 munitions dites « historiques », de la grenade à la mine marine, pour 12 293 kg d’équivalent TNT. L’année 2022 repart sur des bases similaires. Reportage.
On pourrait se dire qu’à force, les quantités diminuent. Que depuis qu’ils neutralisent les explosifs anciens, que ce soit en mer ou sur l’estran qui va du Mont-Saint-Michel à la frontière belge, le groupement de plongeurs démineurs (GPD) de Cherbourg (Manche) va finir par en voir le bout. Mais c’est un puits sans fond. Sans arrêt, leurs navires spécialisés croisent au large et leurs fourgonnettes blanches sillonnent 870 km de littoral, semant les explosions dans leur sillage. Ces marins ont fait de la destruction sonore leur quotidien, cela dure depuis des décennies et quelques générations de successeurs ne vont pas manquer de grain à moudre. «On estime à 20 ou 30 % le nombre de munitions de la Seconde Guerre mondiale qui n’ont pas explosé, résume le maître Aurélien, chef de la mission (pour des raisons de sécurité, ces militaires ne donnent que leurs prénoms et leurs visages ne peuvent être montrés). On en découvre en moyenne une tous les deux jours sur notre zone, et ça va de la grenade à la mine marine. »
Un obus repéré par des promeneurs sur la plage
Ce lundi 28 mars 2022, rendez-vous est pris à la gendarmerie de Beaumont-Hague. « Des promeneurs nous ont prévenus qu’ils avaient trouvé un obus à Herquemoulin, explique le maréchal des logis chef Morel. Dans ces cas-là, on leur demande de relever le point GPS de la découverte, de nous envoyer une photo de l’engin, puis on prévient la préfecture qui alerte les démineurs. » Avec son collègue Gobard, le sous-officier guide les hommes de l’art. Descente bucolique vers la mer par la route des 13 vents, barda sorti des voitures sur un parking en contrebas, le reste du chemin se fera à pied. Un raidillon escarpé conduit à la grève. En bas, virage à gauche, un kilomètre à crapahuter de rocher en rocher, à sauter d’étendue de sable grossier à accumulation de galets, chevilles fragiles s’abstenir… Les quatre du GPD, une infirmière en soutien, font le cercle. S’accroupissent. « On ne sait jamais avec précision à quoi on va être confrontés. » L’un d’eux sort un mètre ruban, mesure l’engin d’acier rouillé à peine enchâssé dans le sol. Le maître Aubric, adjoint d’Aurélien, explique à un plus jeune : « Tu regardes la tête de l’engin, les striures sur le corps, ça permet normalement d’en déterminer sa nationalité. » Chou blanc cette fois. Rien de lisible sur l’obus de 75 maintenant déterré. Trop rouillé.
Les alentours sécurisés par drone
La munition est maintenant transportée plus près de la mer, bien coincée entre des rochers : « On essaie de minimiser les effets sur l’environnement en générant le moins d’éclats possible. » Tout le monde s’écarte de 500 bons mètres en deux groupes (sud et nord), qui communiquent par talkie-walkie. 500 grammes de plastic ont été collés sur l’obus pour le détruire, ça va quand même faire « boum », et comme deux précautions valent mieux qu’une, un drone équipé d’une caméra s’envole pour vérifier depuis les airs que personne ne campe dans le périmètre de sécurité. L’explosion, d’ailleurs, prend un peu de retard. « Il y a des promeneurs sur la falaise, on attend qu’ils s’écartent pour procéder à la mise à feu », crache le talkie-walkie du groupe nord. Puis : « À tous de GPD, compte à rebours à cinq ! » S’ensuivent les secondes égrenées à haute voix, à « un » un petit panache de fumée noirâtre monte dans le ciel azuré et le bruit de l’explosion saute aux oreilles. C’est fini. Pour cette fois. Jusqu’à la prochaine. En 2021, 421 de ces engins dits « historiques » ont ainsi été neutralisés en Manche et mer du Nord. L’équivalent de 12 293 kg de TNT. Moins que l’année précédente (489 munitions, 33 947 kg en équivalent TNT), mais en 2020 l’activité des navires chasseurs de mines avait été plus dense. Et quand on cherche plus, c’est bien connu, on trouve plus.
Photos d’archives
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