21/09/2024 Francia, (France), Bretagna (Bretagne), Finistère (Finisterre), Brest
Par Nora Moreau
Autour de Brest (Finistère), les fonds marins sont jonchés d’engins explosifs qui finissent régulièrement dans les filets des pêcheurs. Ceux-ci doivent alors se signaler aux services de l’État et attendre une intervention… Une démarche qui coûte cher et qu’ils remettent aujourd’hui en question. « C’est plus possible, il faut que nous nous mettions tous autour de la table pour essayer de trouver des solutions. Et nous avons des idées, nous sommes tous disposés à causer ; la porte est ouverte ! » Sur le port de pêche de Brest (Finistère), Philippe Perrot, marin-pêcheur, vice-président du comité des pêches du Finistère nord et vice-président du Parc naturel marin d’Iroise, est excédé par un type de démarches administratives bien spécifiques à son activité. Ce professionnel pêche la coquille Saint-Jacques depuis 2007. La drague de son navire, Le Ménestrel, basé au pied du bâtiment du Grand Large, dans le port de pêche de Brest, ramène lors de la saison de pêche, comme beaucoup d’autres, des engins explosifs datant de la Seconde Guerre mondiale. « La rade en est particulièrement constellée », poursuit-il. « Moi, comme d’autres, on bosse en fond de rade, sur un axe situé entre la base navale de Lanvéoc (à Crozon, là où sont basés les sous-marins nucléaires français, NDLR) et Brest, où s’est déroulé un siège terrible en 1944, qui a vu toute la ville s’effondrer. Autant dire qu’on en trouve un paquet, et régulièrement. » Lorsque cela se produit, un protocole, mis en place depuis des dizaines d’années, consiste à alerter les autorités maritimes compétentes, qui doivent intervenir directement sur le bateau ayant remonté le ou les obus, comme l’explique le pêcheur : « Quand on découvre un engin, on appelle le sémaphore du Portzic et on nous met en relation avec les services de l’État. Il faut alors, techniquement, ne plus bouger et attendre que la gendarmerie maritime, puis que les plongeurs-démineurs interviennent. »
300 euros pour trois heures d’immobilisation
En pratique, le navire reste ainsi immobilisé jusqu’à trois heures de plus, avec sa cargaison fraîche. « On travaille tôt le matin. Il faut techniquement les appeler à 11 heures, et ils arrivent souvent à 14 heures. Pour ce signalement d’engin, on est payés 300 euros. Mais souvent payés un an après, et avec trois heures de gazole cramé à attendre – et qui sera évidemment divisé entre les personnes à bord. En gros, c’est plus de contraintes et de pertes qu’autre chose, pour nous », souligne Philippe Perrot, qui défend les 20 à 25 coquilliers de la rade concernés par cette problématique, sur les 33 navires de ce type basés à Brest. La galère est telle qu’en septembre 2023, deux patrons-pêcheurs embarqués sur des coquilliers brestois étaient renvoyés devant la chambre correctionnelle de Brest pour une « escroquerie à l’obus ». Ils étaient accusés d’avoir détourné ce système d’indemnisation en déclarant moins que ce qu’ils n’avaient réellement découvert sur une journée, gardant ainsi en réserve des engins pour le ou les jours suivants. Les deux quinquagénaires avaient écopé de six mois avec sursis, d’une amende de 5 000 euros et d’une interdiction d’exercice de la profession pendant six mois. Ce jugement avait outré la profession, au niveau local. En parallèle, lors des deux dernières saisons de pêche, les obus se sont étrangement faits de plus en plus rares. Selon « Le Télégramme », qui relayait une information du « Canard Enchaîné », 129 obus ont été repêchés sur la campagne 2020-2021, 174 en 2021-2022, puis seulement quelques dizaines ont suivi l’année suivante. Enfin, « sur la saison 2023-2024, on doit en être à dix, à peine », compte pour sa part Philippe Perrot, qui rappelle que « les chasseurs de mines et les drones sous-marins font leur boulot sur la façade atlantique et en rade, mais que les autorités déploient des milliers d’euros pour leurs interventions, contre 300 malheureux euros pour les pêcheurs ». Ces derniers attendent donc une réunion officielle avec les autorités compétentes. Contactée, la préfecture maritime de l’Atlantique a confirmé vouloir organiser une rencontre sur le sujet avec eux, et ce avant le début de la saison de la saint-Jacques, qui démarre en octobre.
Consignes
En cas de découverte d’engin explosif en mer, la préfecture maritime de Méditerranée donne les consignes suivantes :
Ne pas toucher
Noter précisément la position et si possible prendre une photo
Appeler le 196
QUE FAIRE LORS DE LA DÉCOUVERTE D’ANCIENNES MUNITIONS ?
Gardez votre calme.
Ne touchez pas l’objet.
Ne le déplacez pas.
Contactez immédiatement le 17
Par sécurité, la police conseille à la population de ne pas toucher ou déplacer ce genre de munitions.
Chers éditeurs, Biographie d’une Bombe vise à mettre en lumière le danger causé par les bombes non explosées. De plus, l’aspect le plus important est que nous travaillons entièrement à but non lucratif, la sensibilisation à ce sujet est ce qui nous motive. Nous nous excusons si nous utilisons des images dans vos articles, mais nous en avons besoin pour mettre en contexte la façon dont les résultats sont effectués. Nous citerons (et nous le faisons toujours) la source et l’auteur de l’image. Nous vous remercions de votre compréhension